Manager d’intermédiation ou Manager Humain ?

par | Jan 10, 2020 | Expert, Point de vue

Article paru sur le site d’intermines

Dans notre environnement mouvant, avec les mutations inéluctables vers l’entreprise digitale, les changements de générations, les nouveaux besoins de sens, le sentiment que les entreprises et organisations doivent adopter de nouveaux modes de management est désormais largement partagé, les discours sont là, mais les instruments d’action le plus souvent absents.

Toutes les strates de management sont concernées, mais en particulier le management dit « intermédiaire », particulièrement les managers du premier niveau, désormais souvent marginalisés.

Peut-on échapper à la situation d’être entre le fer et l’enclume ?

L’éminent neurobiologiste français, Henri Laborit affirmait : « Face à une situation difficile, un individu ne dispose que de trois choix : combatte, fuir ou subir ». Cela décrit très bien la position difficile qu’occupent les managers de proximité, liée à leur fonction d’intermédiaire, noyés dans les injonctions contradictoires de leurs responsabilités d’exécutant et de manager humain.

Les cas graves aboutissent aux situations de blocage, de stress, ces instants où l’on ne peut ni agir, se battre, ni s’échapper.
On le sait, il existe de nombreuses circonstances où le salarié peut se retrouver dans cette situation. Fuir est impossible stratégiquement et économiquement, et combattre est très complexe, il y a souvent inégalité des armes entre managés et managers.
Il nous faut donc armer le manager de proximité pour qu’il soit apte à rééquilibrer les curseurs, pour éviter de se retrouver lui-même dans ces situations intenables et pour lui permettre d’échapper à la situation d’être toujours entre le fer et l’enclume, ne pouvant incliner les politiques de la direction générale, ni s’y soustraire.
Quelle autre voie est possible?

Manager moteur vs. frustré

Amélioration des conditions de travail, besoin de reconnaissance, la qualité de la vie au travail est, on le sait bien, plus que jamais devenu un sujet crucial.  La perception de la dimension « travail » change. Les salariés considèrent désormais leur travail comme une part essentielle de leur vie quotidienne et non plus comme un élément isolé.

S’impliquer dans ce volet humain est essentiel pour les managers de proximité.  Ils doivent rester à l’écoute des besoins de leurs collaborateurs et surtout trouver les moyens de vraiment dialoguer avec eux, pour les engager, les motiver et contribuer à leur développement.
Toutefois, cette mission peut difficilement être assurée dès lors que les managers sont éloignés du « terrain », happés par d’autres exigences que celles du travail et de son animation.

Dans ces contextes, un manager de proximité, peut-il agir ? Bien entendu, beaucoup de managers ne restent pas passifs, entreprennent déjà des actions, « s’organisent » à leurs niveaux pour tenter de répondre aux exigences et aux contradictions de leurs responsabilités opérationnelles et managériales…
Mais il est certain que ces actions ne pourront perdurer dans le temps sans soutien de leur direction. Le risque ici est d’avoir des managers lassés, épuisés, voire au bord du burn-out, et s’ils restent dans l’entreprise, ces managers resteront animés par un profond sentiment de frustration. (64% des managers de proximité interrogés requièrent le soutien de la direction de l’entreprise pour engager leurs collaborateurs – Etude L’engagement à l’épreuve du réel : QUID du manager de proximité ? » qui a été menée par OpinionWay du 11 au 18 mars 2019 auprès d’un échantillon représentatif de 1016 managers de proximité)

L’impact des managers « frustrés » dans l’entreprise est loin d’être neutre, puisque cet état contribue à véhiculer une image négative du rôle de manager, voire de l’entreprise auprès des collaborateurs qu’ils encadrent.
Un constat qui n’encourage certainement pas les salariés à devenir manager à leur tour.
(Selon une étude menée par l’institut BVA et Audencia Business School, 79% des salariés sondés ne souhaitent pas devenir managers, 2018).

Un défi pour les directions

Face à ces constats, il est nécessaire que les directions prennent conscience des difficultés rencontrées par les managers de proximité, s’engagent à les soutenir et à les accompagner dans leur rôle de Manager Humain.
La prise de conscience ne pourra se faire que par une meilleure connaissance de la réalité, de la distance dans leur organisation entre le « prescrit » et le « réel », entre le « réel » et le « souhaitable »,
du vrai fonctionnement de leur management de proximité pour réguler les activités au quotidien.

Ensuite il faudra trouver le chemin pour optimiser ce fonctionnement, sans doute en déléguant beaucoup plus, en subsidiarité, à ce maillon clé des organisations, le manager de premier niveau.

 

Ferroudja Meghenem, CEO Wellness Values